"190 ans de passion littéraire"

 

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16 octobre 2013

Le survol d'un corps

En 2012, Daniel Pennac sortait " Journal d’un corps ", dans lequel un narrateur notait depuis son enfance ses transformations physiques. Avec l’humour qu’on lui connaît, Pennac s’embarquait dans ce corps qui bourgeonnait, tombait malade, exultait, vieillissait, et nous faisait traverser le siècle.

Un an après donc, en cet automne 2013, Brigitte Giraud publie " Avoir un corps ", projet similaire au féminin. A priori, on se réjouit. Sauf qu’on déchante assez vite. Bien sûr, il ne s’agit pas de mesurer ce roman au livre de Pennac. Le problème, en l’occurrence, est dans le texte même de Brigitte Giraud. S’attaquer à un tel sujet -le corps des femmes- n’est pas anodin. Souvent assimilé dans la culture judéo-chrétienne au corps du délit, et donc longtemps, voire encore aujourd’hui, nié, malmené, battu ou violé, le corps des femmes a en outre été assez peu représenté par les femmes elles-mêmes, tant les écrivaines ont été peu nombreuses jusqu’au XXème siècle et le sujet toujours tabou. Il faut des plumes telles que Violette Leduc, mais aussi Virginie Despentes, pour l’empoigner à bras le corps. Deux noms qui ont choqué. Mais peut-on parler du corps des femmes sans déranger ? On ne sera en revanche pas vraiment dérangé par le livre de Brigitte Giraud, aimable chronique d’une petite fille devenant ado puis femme. On imagine que l’auteure avait soigneusement listé les thèmes à aborder –les premières règles, la naissance des seins, le premier rapport sexuel, la grossesse- qu’elle égrène page après page. Rien que du convenu, de l’attendu, du sans surprise. Et, surtout, rien de très approfondi, sensuel, exploré. Moins de trente lignes pour les premières règles. Trente lignes où il est d’abord question de chiffre, puisque le 28 domine désormais la vie de la petite fille devenue femme, qui confie tout de même : « Je n’aime pas l’idée d’être une fabrique, une usine, et encore moins une matrice. Les filles sont indisposées, comme on dirait indisponibles ou empêchées. On dit aussi que les filles sont formées, cela est effrayant »_. _C’est à peu près tout et c’est peu.

A défaut d’être dans la chair, le livre pourrait se situer dans le cerveau, proposer une réflexion intellectuelle, philosophique, mais ce n’est pas cela non plus. C’est juste, et c’est dommage, un sujet survolé.

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roman

Éditions Jacqueline Chambon

22,00
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14 octobre 2013

L'effet papillon

Marek Olsberg, pianiste internationalement reconnu, ne vit que pour les concerts qu’il donne aux quatre coins du monde. Marek Olsberg n’a pas de vie privée, si ce n’est de temps à autre un amant qu’il abandonne très vite, car au fond il n’aime que son piano. Aujourd’hui, il doit jouer au Philarmonique de Berlin un unique récital en partie payé par un mécène, qui pour la suite de la soirée a organisé une somptueuse réception en son honneur. Comme prévu, les places de concert se sont arrachées même si elles ont été vendues à prix d’or. Tout est donc prêt pour un moment d’exception et tout devrait bien se passer, sauf que rien ne se passe comme prévu. Au beau milieu d’une sonate de Beethoven, Marek Olsberg s’arrête brusquement de jouer, ferme son piano, murmure « C’est tout » à l’intention des spectateurs, et quitte la scène. Rideau. Ce geste tout à la fois simple et incroyable va bouleverser plusieurs vies. Celle de Marek bien sûr, qui pour la première fois de son existence s’autorise un acte de pure liberté, mais aussi celle de plusieurs autres personnes, parfois concernées d’assez loin par ce concert. Un mari volage confondu par sa femme, un serveur qui cède à une pulsion, un secret de famille dévoilé, un jeune homme paumé à qui la chance enfin sourit. Les différentes existences se croisent, tournant autour de ce point de non retour créé de toutes pièces par Marek Olsberg. C’est avec un plaisir intrigué qu’on suit la vie de ces différents personnages, et ces portraits de Berlinois d’aujourd’hui sont particulièrement réussis. On retrouve ici la sensibilité d’Alain Claude Sulzer, qui avait eu le Médicis étranger en 2008 pour son admirable " Un garçon parfait ". Son écriture, petite musique au rythme si subtil, laisse deviner les failles cachées des personnages. Surtout, Sulzer possède cette capacité à faire sortir le roman homosexuel du ghetto. Après le récit de famille d’ "Une autre époque " (2011), le voilà dans un roman choral où, comme toujours, l’homosexualité est au cœur du livre sans en être le sujet principal.

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roman

Joëlle Losfeld

15,90
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13 octobre 2013

L'espace d'une nuit

La cinquantaine déclinante, Martin se sent vieilli, usé, fané. Sa carrière de haut-fonctionnaire au sein du gouvernement irlandais bat de l'aile et sa vie familiale n'est pas des plus reluisantes, entre une épouse mutique et indifférente qu'il n'a pas touchée depuis des années, et trois filles devenues femmes se rêvant en héroïnes de " Virgin Suicides ", et dont il ne comprend pas la passivité. En visite officielle en Chine, seul dans sa luxueuse chambre d'hôtel, Martin établit cet amer constat, alors que le ministre et ses conseillers ont préféré se rendre sans lui à Tianjin et Shangri-La. Relégué au second plan,  une nouvelle fois. Il n'est après tout qu'un " fonctionnaire relativement insignifiant " et s'étonne de l'empressement du personnel de l'hôtel autour de lui. Pour rompre avec les idées noires qui l'assaillent et avec sa solitude, il commande à la réception un massage, ne sachant pas vraiment à quoi s'attendre. Mais la douceur et la discrétion de la jeune femme qui pénètre dans sa chambre le rassurent immédiatement,  l'habileté de ses mains le plonge dans un état second, lui qui n'a pas été touché depuis si longtemps. La complicité qui s'installe entre eux malgré la barrière de la langue se change bientôt en désir sensuel, dont le charme reste intact pour Martin jusqu'à ce que la jeune femme, de condition modeste, monnaie ses faveurs.

Toute la tension de ce court roman réside, nous l'aurons deviné, dans le fait de savoir si Martin cèdera ou non à l'appel de la chair – résolution finalement éludée avec plus ou moins de bonheur, mais cela reste secondaire. Car ce qui nous touche dans ce récit, c'est avant tout la détresse de cet homme semblable à des millions d'autres, qui n'a pas vraiment l'étoffe d'un héros, mais dont on ne ne peut blâmer la médiocrité. En l'espace d'une nuit, mêlant l'expérience de ce massage au bilan de toute une vie, Dermot Bolger fait naître une certaine empathie entre son lecteur et son personnage. Si certains auront du mal à s'intéresser à l'histoire et aux doutes de Martin, il est probable que, pour d'autres, ce roman engendrera un même questionnement.

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Tome 4 : Les millésimes

4

Glénat BD

14,50
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10 octobre 2013

A lire sans modération

C'est le début des vendanges en Médoc. Pourquoi ne pas en profiter pour consommer sans modération le quatrième tome de la saga Châteaux Bordeaux: Les Millésimes.

On retrouve la belle Alexandra, héroïne de cette grande fresque familiale toujours déterminée à reprendre le domaine du Chêne Courbe reçu en héritage à la mort de son père.

Malgré l'hostilité de son entourage (tome1), les difficultés du métier de vigneron (tome 2), les sabotages et les trahisons (tome 3), elle décide dans le tome 4 pour redorer le blason du Chêne Courbe de produire une cuvée mythique .

Même si le thème principal n'est pas d'une très grande originalité, on plonge volontiers avec Corbeyran et Espé dans l'univers passionnant et très documenté du vin.

Bonne dégustation.

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10 octobre 2013

Déraison d'état

Quand la liberté d'un homme se heurte à la raison d'Etat, une constante historique veut que la première soit sacrifiée au bénéfice de la seconde. Mais que se passerait-il si ce choix cornélien dépendait de vous, si le sort d'un homme se retrouvait entre vos mains? Et comment agir, quand aucune des décisions envisageables n'est juste? Cette douloureuse expérience, François Sureau l'a personnellement vécue au début de sa carrière à travers le dossier Javier Ibarrategui, un ancien militant basque exilé en France, contraint de retourner en Espagne, en dépit du danger encouru. Il faut dire qu'au début des années 80, la page franquiste se tourne avec peine : l'Espagne est officiellement redevenue une démocratie, mais les anciens réseaux de police de Franco sont toujours actifs et n'ont pas digéré l'assassinat de l'amiral Carrero Blanco, le successeur désigné du " caudillo ", orchestré par l'ETA. Ibarrategui, pour avoir désavoué cet acte, est à son tour menacé de mort par des groupes antiterroristes et assassiné à Pampelune le 4 septembre 1983, quelques semaines seulement après son retour en Espagne. Le narrateur, un jeune juriste promis à un brillant avenir, apprend bouleversé cette nouvelle dans les journaux : c'est lui qui, sur un arrêt rédigé de sa main, avait plaidé l'expulsion d'Ibarrategui devant le Conseil d'Etat.

Trente ans ont passé depuis ce terrible événement, mais l'intensité de ce court récit laisse deviner que la blessure est toujours vive pour l'auteur qui, en retraçant avec minutie l'histoire de cet arrêt, dénonce sans jamais se poser en victime les rouages d'un système imparfait, tentaculaire et déshumanisé. La densité du texte, qui parvient en une cinquantaine de pages à expliciter le cas Ibarrategui tout en dressant le portrait d'une époque " _électrique_" , où " _le manège français tournait depuis cinquante ans, avec ses chevaux de bois fatigués, aux têtes de résistants, de collaborateurs, de flics et de trotskystes_" , recèle une incroyable puissance d'évocation, sans jamais tomber dans un cynisme facile, que l'on aurait néanmoins pardonné. Nous ne dévoilerons pas ici la signification du titre choisi, seule ressource poétique de ce récit voilé de noir, dont on ne ressort pas tout à fait indemne.

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