"190 ans de passion littéraire"

 

Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Auteurs du monde

16,00
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14 mars 2023

Un thriller qui tient en haleine bien qu'il eût profité avantageusement d'une cure d'amaigrissement : certaines descriptions, rappels de situation, répétitions auraient pu être évitées ou coupées. Ceux qui me lisent diront que c'est chez moi un leitmotiv, mais oui, je trouve que beaucoup de romans qui passent entre mes mains sont trop longs, comme si nécessité était de faire des volumes de 300 pages ou davantage. Mais que nenni, sachez messieurs mesdames les autrices auteurs éditrices éditeurs que 200 pages peuvent nous suffire pour peu qu'elles soient bien menées.

Bien menée, c'est le cas de cette histoire qui nous ballade entre Paris, Londres et l'île d'Yeu. Une héroïne libraire attachante et touchante et des flics en seconds rôles pas mal non plus, notamment la commissaire Mandrot. Tout le monde peut être à un moment ou un autre soupçonné, même si en retenant les indices que Caroline Madjar sème dans ces pages, on peut avoir une idée fixe sur un nom qui pourrait bien s'avérer être celui du tueur. Malgré cela, l'intrigue tient bien et la construction du roman, classique, un coup dans la tête du tueur, puis dans celle d'Hélène et dans celle des flics, donne une ossature solide.

Caroline Madjar, journaliste et DJ à ses heures, écrit-là si je ne me trompe point, son premier roman. Une récidive de sa part ferait de nouveau de moi l'un de ses prochains heureux lecteurs

Naissance d'un gaulois

Grasset

24,00
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27 février 2023

Lorsque Anne Goscinny demande à Catel de faire le portrait de son père en BD, celle-ci refuse d'abord, puisque elle, son truc, ce sont les biographies de femmes : Kiki de Montparnasse, Olympe de Gouges, Alice Guy ou Joséphine Baker... Mais fascinée par la vie de René Goscinny, elle trouve un subterfuge pour écrire cet album qui parle d'abord de Anne Goscinny, l'écrivaine... qui raconte son père.

J'aime beaucoup Catel et notamment ses ouvrages cités plus haut. J'ai donc aimé retrouver son trait pour montrer une vie peu ordinaire, celle de l'un des plus grands scénaristes de la BD franco-belge, si ce n'est le plus grand. Lucky Luke, Astérix et Obélix, Iznogoud, Le petit Nicolas, pour parler des plus connus, c'est lui. Des grands classiques de la bande dessinée. Mais avant d'arriver à la notoriété et au succès, il a galéré René Goscinny. Né en France en 1926. Enfance en Argentine, sa famille pour beaucoup morte dans les camps pendant la guerre. Il sait qu'il veut faire un métier rigolo, mais dans les années 40/50, la BD n'est pas encore ce qu'elle est devenue, ce n'est pas un métier en vue. Sans jamais se départir d'une bonne humeur et d'humour, le jeune René dessine d'abord et propose ses dessins à divers journaux. La suite, je vous laisse la découvrir dans ce bel album biographique. Catel reproduit dedans des dessins de Goscinny, des caricatures, ses premières BD avec Dick Dick's un détective maladroit...

Pari réussi, haut la main pour la première biographie dessinée de ce grand scénariste de BD décédé en 1977, une sorte de mise en abîme, signée Catel avec la complicité de Anne Goscinny, qui préface et raconte.

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27 février 2023

Ersin Karabulut naît à Istanbul au début des années 80, de parents instituteurs, ce qui ne garantit pas l'aisance financière. Son père réalise de petites peintures pour boucler les fins de mois. C'est peut-être de le voir dessiner qui donne l'envie à Ersin de devenir dessinateur.

Mais en Turquie, il n'est pas bien vu de faire du dessin surtout si celui-ci égratigne le pouvoir. Le père d'Ersin lui conseille de faire des études d'ingénieur et de laisser tomber le dessin. Ersin obéit quelque temps, puis n'en peut plus et se dirige vers le dessin et la bande dessinée.

C'est un album biographique qui décrit les envies, les doutes, les peurs de l'auteur et celles de ses proches, le pays qui change, qui, après avoir été une démocratie tend de plus en plus vers un pouvoir autoritaire et religieux. Lorsque Recep Erdogan est caricaturé en animal sur des couvertures de journaux satiriques, il les attaque et même s'il perd ses premiers procès, la censure est quand même proche.

Ersin Karabulut dessine ses jeunes années, avec tout ce que cela suppose de faits pas glorieux, de situations adolescentes pas flatteuses. C'est drôle, parce qu'il n'hésite pas à se moquer de lui-même et que le dessin parfois un peu naïf renforce l'humour. Mais paradoxalement, le même dessin renforce également la tension lorsque la situation devient plus tragique.

Bref, Ersin Karabulut est un auteur de BD à suivre, je l'ai déjà lu grâce à Contes ordinaires d'une société résignée, un recueil de nouvelles futuristes et Jusqu'ici tout allait bien..., une critique virulente du capitalisme et du repli sur soi. Et ce Journal inquiet d'Istanbul est un premier tome, qui devrait donc, logiquement voir des suites.

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27 février 2023

Vincent Baguian est chanteur et auteur, il a notamment écrit des chansons pour quelques grands noms de la variété française : Zazie, Florent Pagny (beurk... personne n'est parfait)... Il a le verbe aisé et son roman fait la part belle à la belle langue : Victor Baunard qui a les mêmes initiales que l'auteur et qui est le narrateur, s'exprime avec beaucoup d'élégance dont il use également dans ses rapports aux notables de La Ciotat auxquels très vite sa réputation de bon médecin l'a acoquiné. Il cache bien son secret, évidemment, puisque tout son art est de faire passer les morts pour des accidents ou des morts naturelles.

Le roman est plaisant, use avec pas mal de brio d'humour noir, d'ironie. Il nous met dans la tête d'un psychopathe qui se sent une âme de justicier. On a le droit à ses délires de réactionnaire lorsqu'il parle de la jeunesse actuelle, à ses justifications pour ses meurtres qui œuvrent parfois pour le bien commun mais aussi pour son confort personnel. Pas mal donc, mais un peu long, je l'avoue j'ai passé quelques paragraphes mais toujours pour revenir au texte avec l'envie de connaître la fin de l'histoire.

Bref, un roman qui fait passer de bons moments -ce qui est un compliment, car ce n'est pas toujours le cas-, un peu comme une chanson qu'il aurait écrite pour Zazie ou autre (pas Florent Pagny, là ce serait une torture) que l'on écouterait volontiers et puis on passerait à une autre sans regrets ni forcément envie ou non-envie de la réécouter.

16,00
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27 février 2023

Émilienne Malfatto que l'on a découverte avec l'excellent Que sur toi se lamente le tigre, revient dans un roman très court, elliptique, très beau. D'ailleurs est-ce un roman, de la poésie, tant les deux se mélangent ? Chaque chapitre s'ouvre avec un texte en italique, les pensées du colonel, un poème en prose, dans lequel il s'adresse à ceux qu'il a torturés et qui à leur tour le torturent : le persécuteur persécuté. Souvent il aborde la guerre, la mort donnée en son nom et les honneurs liés :

"après la guerre après les Hommes-poissons les

marécages

il n'y avait que le silence

et les médailles les décorations accrochées sur

les poitrines que les âmes

avaient désertées

du clinquant du doré sur une poitrine vide

ça fait joli mais ça sonne creux" (p.59)

En peu de mots, Émilienne Malfatto brosse un portrait juste et dense, profond ; on sent les émotions, les peurs et angoisses du colonel, la folie qui s'empare du général. Cent-dix pages dans lesquelles l'homme change, la Ville et la Reconquête itou. Et l'on se prend à rêver d'un monde où les hommes cesseraient d'ambitionner le pouvoir à tout prix même celui de la guerre.

Très beau texte, original dans le fond et la forme. Une autrice qui excelle dans les romans courts et denses, qui cultive un style très personnel, tout ce que j'aime.