"190 ans de passion littéraire"

 

Jostein

http://surlaroutedejostein.over-blog.com/

Lectrice passionnée, mariée, mère de trois adolescentes. J'aime surtout les romans contemporains et je lis quelques bons policiers.

Éditions de L'Olivier

21,00
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22 mars 2013

Rapports extrêmes

Pour avoir lu Veronica, je connaissais le côté un peu sulfureux de Mary Gaitskill. Dans ce recueil de nouvelles, il est encore plus marqué. Les personnages oscillent entre perversité et tendresse. Mais derrière cette vision crue et réaliste des relations humaines, il y a une complexité étonnante des personnages. Ce sont tous des "fêlés", des marginaux qui expriment assez clairement leurs instincts, leurs fantasmes.
Les deux premières nouvelles restent assez sobres. L'une traite de l'incompréhension d'un père face à l'homosexualité de sa fille et l'autre de la relation et de souvenirs de deux copains. Ensuite, les narrateurs sont plus complexes. Chaque personnage garde un trouble mental soit à cause du divorce de parents, soit d'une expérience de jeunesse ou des atrocités d'une guerre à laquelle il a participé.
Quand ils évoquent de manière très directe leurs expériences, le regard de l'autre surprend. Peut-on dire à un inconnu que l'on est un ancien alcoolique, que l'on a participé à un viol collectif ou raconter ses fantasmes à son dentiste ? Qui est le plus fou entre l'assassin d'une mère et sa fille ou une femme qui veut battre le record du nombre de relations sexuelles à la suite?
" Vous avez dû connaître la même expérience vous aussi, dit-elle, ses traits exprimant une détermination étrange, comme s'il était capital qu'elle se fasse comprendre. Faire des choses pour répondre aux attentes des autres ou juste pour sentir qu'on a sa place dans la société, tant on est convaincu que sa véritable identité n'a aucune valeur."
Derrière les comportements débridés, l'auteur fait apparaître la fragilité humaine, la pureté d'un sentiment comme par exemple cet amour sincère qui naît entre Valérie et Michaël dans la nouvelle intitulée " La couverture" ou cette responsabilité qui entrave Élise, une jeune fille qui se retrouve seule avec les trois enfants que leur mère lui a confiés.
Ces neufs nouvelles explorent le rapport aux autres de ces personnages troublés par leur passé, des êtres gênés par une expérience amorale et qui éprouvent le besoin de se normaliser dans le regard d'autrui.

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5 janvier 2013

Enfance sarde

J'ai lu tant de bonnes choses sur Accabadora, le premier roman de Michela Murgia que je n'ai pas eu l'occasion de lire que je me suis ruée sur cette nouveauté, La guerre des saints.
Et je comprends cet engouement en lisant ce si beau prologue sur la comparaison des liens familiaux et des amitiés de l'enfance.


" Que soit toujours béni le respect pour la chair de notre chair, mais la rue et le fait d'avoir joué ensemble offrent aux enfants un lien de parenté plus étroit, qu'ils n'oublieront pas à l'âge adulte."
Même si personnellement, je ne suis pas forcément d'accord sur le fond de cette phrase ( parce que j'ai une famille formidable), l'auteur démontre en quelques pages la véracité de cette affirmation.
Maurizio passe toutes ses vacances chez ses grands- parents, dans le bourg de Crabas en Sardaigne. Fils unique, c'est pour lui l'occasion rêvée et tant attendue de s'amuser avec les garçons des rues voisines. Comme tant d'enfants de cet âge, ils font surtout les quatre cents coups grâce à une imagination renforcée par les histoires contées chaque soir par les vieux de Crabas.
L'auteur nous plonge vraiment grâce à ses fines descriptions dans l'ambiance chaude des rues de ce bourg. Ici, la religion rythme la vie sociale par la commémoration de nombreux saints et l'importance de la paroisse de Santa Maria.
Les petites aventures rapprochent les trois jeunes garçons, Maurizio, Giulio et Franco jusqu'à ce que l'unité de Cabras soit remise en cause par la décision de scinder la communauté en deux paroisses.
Rivalités, bassesses des adultes qui influencent tous les habitants, même les enfants.
Pourtant, ils se révèlent souvent plus intelligents que certains adultes.
Quel dommage que ce roman soit aussi court.

20,00
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27 novembre 2012

"Tuer le père"

Lorsque Maurice Herzog oublie volontairement son fils Laurent, Félicité Herzog se doit de réhabiliter la mémoire de son frère et d'expliquer les raisons de la folie qui l'a conduit vers la mort.
Pour cela, elle remonte assez loin dans l'histoire de la famille et n'hésite pas à casser l'image de héros national que représente toujours son père.
Ce qui m'a gênée dans ce récit est que l'auteur en avait beaucoup à dire et que, malheureusement le destin du frère se retrouve un peu noyé dans cette avalanche d'informations.


Pour expliquer l'ambiance familiale, le désintérêt des parents pour Laurent et Félicité, elle évoque le passé de collaboration lors de la seconde guerre mondiale et l'antisémitisme des grand-parents maternels qui appartiennent à la noblesse ( duc et duchesse de Brissac, enfants de riches industriels, hôtes de la Reine d'Angleterre...), l’anticonformisme de Marie-Pierre, la mère, la frivolité et l'égoïsme de Maurice, le père.
Félicité fait part des doutes concernant la réalité du record de l'alpiniste, regrette son intérêt pour les idées de Jean-Marie Le Pen, déplore que son amour se porte davantage sur ses maîtresses que sur ses enfants.
Le seul point d'ancrage des enfants semble être les vacances dans les châteaux d'hiver et d'été des grand-parents, même si les décorations de têtes de cerf et autres trophées de chasse sont assez lugubres.
Derrière ce résumé foisonnant, l'auteur donne une réelle ambiance du climat dans lequel elle fut élevée avec Laurent. Laurent se réfugie dans la violence, la peur, les croyances pour sombrer ensuite dans la folie sous le plus grand reniement des parents.
Le style très classique et littéraire de l'auteur peut rebuter mais c'est surtout le nombre de sujets, la dissolution du thème principal qui perdent le lecteur. Pourtant, lorsqu'elle évoque son frère, il y a une belle sensibilité mais elle se noie dans la rancœur surtout ciblée contre son père, alpiniste, ancien ministre, héros national mais piètre parent.

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5 novembre 2012

Souvenir d'une rencontre troublante

Pour ceux qui aiment l'univers de Modiano, ils ne seront pas déçus par ce nouveau roman. On y retrouve cette atmosphère trouble, énigmatique qui siège cette fois dans le Paris des années 60.
Jean écrivait des noms, des phrases dans un petit carnet noir et grâce à cela, il se souvient de rencontres de sa jeunesse. Il est question notamment de  Dannie, une jeune fille aux origines incertaines. Jean la croise à l'Unic hôtel souvent en compagnie du même groupe d'hommes, la plupart supposés d'origine marocaine. Dannie entraîne Jean dans des appartements ou maisons vides, dans des bars surveillés par la police. Elle se dit étudiante, prend son courrier en poste restante.


Interrogé par la police, Jean soupçonnera quelques irrégularités. Mais à 20 ans, il est fidèle à ses amitiés et peu soucieux des problèmes.
" Plutôt que de toujours soumettre les autres à un interrogatoire, il vaut mieux les prendre en silence tels qu'ils sont."
" Est-ce que nous avons le droit de juger ceux que nous aimons? Si nous les aimons, c'est bien pour quelque chose, et ce quelque chose nous défend de les juger. Non? "
Le récit est celui de Jean, des années plus tard. Il oscille donc entre passé et présent.
" Depuis une j'écris ces pages, je me dis qu'il y a un moyen, justement, de lutter contre l'oubli. C'est d'aller dans certaines zones de Paris où vous n'êtes pas retourné depuis trente, quarante ans et d'y rester un après-midi, comme si vous faisiez le guet. Peut-être celles et ceux dont vous vous demandez ce qu'ils sont devenus surgiront au coin d'une rue, ou dans l'allée d'un parc, ou sortiront de l'un des immeubles qui bordent ces impasses désertes que l'on nomme " square" ou " villa". "
Plus qu'une histoire, Modiano installe une atmosphère, étrange et incertaine. Les lieux précis de Paris plairont aux nostalgique de la capitale.