"190 ans de passion littéraire"

 

Gilda F.

Conseillé par (Libraire)
7 juin 2014

D'entrée de jeu ça décolle : un prologue vu à hauteur de très petit enfant, un premier chapitre décrivant un attentat au Caire (en 1954), un narrateur peu complaisant envers lui-même, ce qui est assez remarquable, de mettre ainsi le lecteur entre les mains d'un odieux décomplexé - dont on devine qu'à un moment donné on comprendra ses circonstances atténuantes - et des chapitres de retour vers l'histoire contemporaine et comment tout ça prend forme peu à peu dans l'esprit de qui se laisse embarquer, et le bon dosage entre révélations, et zones d'ombres persistantes, pensées introspectives, sexe, action et mise en ambiance - le petit village italien où l'on se croirait, des villes allemandes, une aire d'autoroute, le New-York d'après guerre ... -.
Voilà, nous sommes dans le bon, le très bon roman policier mais pas seulement.

Il n'y aura guère que deux catégories de public à écarter de ce roman, pour lesquelles il pourrait ne pas apporter le bon effet de lecture escompté :

- ceux qui n'aiment pas le genre policier, roman à énigme, plein d'actions ;

- les migraineux chroniques, dont j'ai peur que les trop efficaces descriptions des maux de tête du héros Stanislas Kervyn, ne viennent à leur rappeler douloureusement les leurs ; à moins qu'au contraire ils se sentent ainsi un peu moins seuls dans leurs souffrances.

A ces deux exceptions près, foncez !

16,00
Conseillé par (Libraire)
17 mai 2014

Tous les matins en allant à son travail par le RER de 6h27, Guylain Vignolles (1) lit à voix hautes quelques pages. Pour le plus grand ravissement des autres voyageurs que pourtant il ignore. Il lit en effet pour lui-même, afin de se donner courage avant son travail. Il est opérateur sur une de ces redoutables machines qui passent les livres au pilon.

Et contrairement à d'aucun de ses collègues, lequel prend jouissance dans la destruction, ça lui fend le cœur. Alors en fin de journée il récupère des "peaux vives", pages ayant miraculeusement échappé à la destruction et coincées dans une partie de la machine. Et ce sont ces pages qu'il lit au matin, dans l'absolu désordre non-qualitatif de leur survie. Il y a dans ces coq-à-l'âne une ineffable magie.

De cette activité matinale vont naître des rencontres, des emplois (2), une sorte d'enquête légère, des moments de grâce et d'autres d'amusements. Au passage on apprend si on ne les savait pas, bien des choses sur le pilonnage des livres, les poissons rouges, le speed-dating, et les blagues de potache qu'on peut faire lorsqu'on est dame pipi, sans parler d'une hiérarchie des bruits. Plusieurs fois j'ai ri.

Une seule restriction strictement personnelle : j'ai trouvé la fin décevante car trop convenue.

Il me semble que ce 6h27 pourrait succéder à un hérisson élégant et à une liste d'envies dans les jolis succès éditoriaux d'une année.


(1) oui (ç'en est une)
(2) Il y a un collègue fou de théâtre et d'alexandrins et qui trouve grâce à Guylain un nouveau rôle.

Héloïse d'Ormesson

Conseillé par (Libraire)
2 mai 2014

Onze brefs récits sur le thème de l'infidélité

Dès le premier texte, le ton est donné : il s'agit de variation sur l'infidélité dans des couples qui se veulent fidèles et dans lesquels l'infidèle se prétend fidèle jusqu'au moment où nier n'est plus possible.

Le sujet m'attirait peu. Et la première nouvelle ne m'a pas tant séduite, mais ensuite j'ai beaucoup ri - le ton globalement est joyeux et les femmes énergiques ; certaines d'entre elles font subir au trompeur exactement ce qu'il mérite et c'est jubilatoire (même si dans la vie il est souvent impossible d'en faire autant sous peine de n'avoir plus où loger) -.

Et non seulement j'ai ri mais j'ai également été émue : l'un des textes, "La clé USB" est très fort, qui en appelle à la tolérance mutuelle et la compréhension.

Dans la catégorie des livres lus aisément et bons pour le moral, si l'on a un solide sens de l'autodérision, il est à mettre entre les mains de toutes les femmes, surtout les mères de jeunes enfants. Seule réserve : à ne pas offrir à une soeur ou amie en plein divorce sordide ou à une jeune mariée, ça pourrait être mal pris.
A ces réserves précises près, voilà un de ces livres qui après nous avoir bien divertis nous donnent à penser.

Conseillé par (Libraire)
23 avril 2014

Un libraire découvre en allant travailler un sac à main de femme, sur une poubelle abandonnée. Il est de toute évidence le reliquat d'un vol - le lecteur le sait le début du roman est le bref récit de l'agression -. Au commissariat pour quelques raisons d'attente et qu'il doit aller travailler il ne parvient pas à déposer l'objet. La tentation devient alors trop forte de mener l'enquête par lui-même. D'autant plus que le sac contient un carnet, pas vraiment un journal intime, plutôt d'éparses pensées. Et que l'homme est équipé d'une adolescente de fille à laquelle la perspective d'un peu de piment dans le quotidien ne déplaît, loin s'en faut, pas.

C'est le livre le plus doux que j'ai dégusté depuis le début de l'année. Rien de spectaculaire, mais une chanson qui accompagne, qui tient chaud au coeur, une foule d'éléments si bien vus, bien rendus qu'ils nous reviennent à l'esprit, même longtemps après.

La profession du héros n'est pas indifférente et je crois que les libraires seront sensibles à cette évocation fort juste de leur métier. Et les amoureu(x/)ses de Modiano trouveront à son passage de quoi discrètement essuyer une larme (d'émotion).

Que l'histoire ne semble pas trop jolie : une trouvaille similaire m'est arrivée la semaine même de ma lecture. La vie réelle ressemble aux fictions parfois.

Conseillé par (Libraire)
23 avril 2014

Une jeune mère de famille, heureuse avec le père de ses enfants et ceux-ci qui grandissent bien, pourvue par ailleurs d'un travail intéressant, se trouve profondément affectée par le décès accidentel et particulièrement surprenant de sa mère. Sa vie entière s'en trouve remise en question. On la suit délicatement dans son parcours à travers le deuil vers la lumière de la survie et un bel élan vital.

Le tout début du roman m'avait laissée calme : les récits de deuil et de leurs catastrophes intimes ne sont pas rares.

Alors qu'elle croit reprendre le cours du quotidien au lieu de remonter la pente la narratrice trébuche et chute et chute encore, ne parvient plus à assumer l'essentiel du quotidien. L'époux fait des efforts, soutient de son mieux, n'y parvient pas. La jeune femme nous devient proche on comprend qu'il ne s'agit pas d'un simple deuil même alourdi par la présence d'une peu accueillante belle-famille. Les enfants s'efforcent d'avancer, malgré les difficultés des grands.

La dernière partie du roman débouche sur une autre dimension qui lui fait prendre son ampleur.

C'est un livre auquel on repense. Il me semble que c'est un ouvrage réconfortant, au bout du compte et qui peut faire du bien à qui se trouve en deuil ou confronté à de graves difficultés concernant les proches, les personnes bien-aimées.