"190 ans de passion littéraire"

 

Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Claverie, Guillaume Tenaud

Mosquito

14,00
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2 février 2023

Hippolyte est octogénaire, veuf. Il vit seul dans sa maison et reçoit tous les jours à 8H tapantes, Mme Dumontet, une aide à domicile. Et avec Hippolyte, l'heure c'est l'heure. Ancien horloger, il est précis, ponctuel et très ritualisé. Aussi lorsque Mme Dumontet est malade et que c'est Sidonie, 25 ans, qui la remplace, les habitude d'Hippolyte vont changer. Car Sidonie n'est pas la reine de la ponctualité, mais elle fait souffler un vent de fraîcheur auprès du vieil homme.

Bande dessinée en noir et blanc qui raconte cette rencontre improbable. Sans le travail Sidonie et Hippolyte n'auraient jamais fait connaissance et c'eût été dommage pour chacun d'eux. Car, comme prévu, chacun va apporter à l'autre ce qui lui manque : de la fraîcheur, dela spontanéité ou au contraire un peu de ponctualité et d'expérience.

Très bel album sur la vieillesse, sur un homme qui quitte la vie alors qu'une jeune femme ose enfin vivre la sienne grâce à lui. L'histoire est belle et très joliment dessinée, attendue sans doute, mais pourquoi ne pas se laisser faire lorsqu'une histoire sans réelle surprise est aussi bien racontée ?

Petit à petit

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2 février 2023

Presque 14 ans après le décès du chanteur, cette bande dessinée biographique paraît aux éditions Petit à petit. Un scénariste Cyrille Pac et de nombreux dessinateurs se relaient pour les chapitres de la vie d'Alain Bashung : sa naissance de père inconnu, son enfance en Alsace chez ses grands-parents, son arrivée en région parisienne chez sa mère et son père adoptif qui lui donne son nom, Baschung -il lui suffira d'ôter le "c" pour trouver son nom de scène-, sa découverte de la musique, du rock en particulier et ses débuts dans l'industrie musicale, son travail avec Dick Rivers et ses premiers albums solo qui ne rencontrent pas le succès (malheureusement, le premier Roman-photos est introuvable en CD, c'est le seul qu'il me manque). Plusieurs fois, il lui faudra jouer son avenir dans la musique sur un seul titre qui doit absolument marcher. Ce sera Gaby, oh Gaby, puis Vertige de l'amour ou encore SOS Amor...

Si Alain Bashung signe les musiques, Boris Bergman et Jean Fauque écrivent les textes les plus emblématiques de l'artiste, lui-même n'hésitant pas à puiser dans différentes pages de leurs carnets pour faire coller des phrases qui n'étaient pas faites pour aller ensemble. Le tout donne des chansons très personnelles, une discographie incroyable, pas toujours simple d'abord tant Alain Bashung a aimé brouiller les pistes, se renouveler et ne jamais faire la même chose.

Il est dans mon Panthéon évidemment, sans doute même en première place, depuis Novice en 1989 (découvert dans un bar de Nantes que je fréquentais pas mal et dans lequel le patron passait ses disques et ceux des clients).

Excellent album qui doit son titre à une chanson Immortels, tirée de l'album posthume, En amont, écrite et composée par Dominique A, qui donne envie de tout réécouter Bashung.

14,00
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2 février 2023

Une enveloppe reçue au courrier. Aucune mention de l'expéditeur ni à l'extérieur ni à l'intérieur. Seul un DVD la remplit. L'homme qui la reçoit attend avant de le visionner craignant quelque arnaque ou mauvaise surprise. Le lendemain seulement, il l'insère dans le lecteur de son ordinateur. C'est Elle. La femme avec laquelle il a vécu une histoire quelques années auparavant. Elle se raconte en diverses séquences. Le DVD débute par une phrase inscrite, un titre : "J'ai un chagrin d'amour avec le monde entier."

Eric Pessan écrit et Sylvie Sauvageon dessine des portraits d'une même femme avec différentes expressions, parfois un côté masqué par la fumée de cigarette, parfois sourainte, parfois plus grave. C'est elle que l'on imagine sur la vidéo racontant ses histoires. Ses histoires d'amour avec des hommes qu'elle a aimés et qui l'ont peut-être aimée en retour. Pas toujours. Et toujours elle revient à lui, au destinataire du courrier. Son rapprochement timide. Leurs échanges, leurs rendez-vous.

C'est très beau, intime, très profond. Cette femme se livre comme elle ne l'a jamais fait. En vidéo, sans crainte d'être interrompue par quiconque sauf elle-même. Avec le doute d'être regardée, écoutée. Elle dit la rencontre, les moments de doute, de gêne, les débuts :

"Il me raconte des histoires : les siennes, celles des gens qu'il connaît, celles qu'il lit dans les livres. Certains hommes cachent leur silence derrière le bavardage. Je sais qu'il a peur de ce qui adviendrait si on laissait le silence s'installer entre nous.

Il faut se taire pour oser un geste.

Il faut se taire pour qu'une main frôle une main.

Il faut se désemplir la bouche des mots pour y recevoir la langue de l'autre." (p.15)

C'est un livre de grandes beautés : celle du texte, celle des dessins et celle de l'objet-livre, couvertures et rabats et mise en page. De ceux que l'on trouve dans les bonnes librairies, pas toujours mis en évidence, ce qui est fort dommage ; de ceux que l'on a plaisir à acheter, à ouvrir et à lire et à offrir ensuite tant on est sûr de faire plaisir.

Éditions des femmes-Antoinette Fouque

25,00
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2 février 2023

Divine surprise que ce premier roman publié en France d'une autrice d'origine brésilienne. Ses deux héroïnes ont vécu tellement longtemps dans l'orphelinat, protégées du monde extérieur, Porcelaine, petite et insouciante et Smiley concentrée sur la protection de sa sœur, qu'elle n'en ont aucune connaissance. Puis, petit à petit, Smiley se souvient : la violence de son père envers sa mère, la fuite de celle-ci avec ses deux filles...

Roman social et d'initiation puisque les deux jeunes filles, Smiley surtout, celle qui est présente à toutes les pages, vont découvrir le monde, comme si elles naissaient adolescentes. La violence ambiante, celle du pouvoir qui réprime toute forme de protestation, les harcèlements et agressions des hommes envers les femmes, la haine et le mépris des hommes envers les prostituées qu'ils fréquentent pourtant assidûment dans des bordels sordides, envers les homosexuels, envers tous ceux qui ne sont pas comme eux, le travail harassant et mal payé, la pauvreté, la grande différence entre riches et pauvres... Tout cela dans une petite ville pour s'éveiller à la vie en douceur, car il en serait différent à São Paulo par exemple où tout est exacerbé mais aussi où il est plus facile de vivre incognito.

Smiley avance pendant les quelques mois racontés par Naná Howton : elle fait le point sur sa vie, tente de comprendre les raisons de ses difficultés : "La vie de Smiley était devenue un flot constant d'amertume. Elle était bien consciente que c'était aussi de sa faute, parce qu'elle se refusait à exprimer de l'amour, le plus effrayant de tous les sentiments. C'était trop dur parce que s'il y avait le moindre risque de ne pas être aimée en retour, elle n'aurait plus qu'à aller mâcher une feuille d'une de ces plantes toxiques qui poussaient sous le figuier et se laisser mourir." (p.194/195)

Smiley et Porcelaine sont attachantes, fortes, elles subissent, se relèvent, luttent. Naná Howton décrit des jeunes filles réalistes et son roman assez conséquent est passionnant de bout en bout. Pas une seule ligne en trop. Fort bien écrit, donc fort bien traduit, il sera bien difficile à un lecteur de le poser pour passer à autre chose.

Une enquête de Max Mingus

Gallimard

22,90
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10 janvier 2023

Après l'excellent Tonton Clarinette -qui, bien qu'écrit avant, se déroule après-, voici donc le deuxième tome de la trilogie Max Mingus. Et ils ne se ressemblent pas. Autant j'ai été favorablement impressionné par Tonton Clarinette, autant ce Voodoo land m'a ennuyé. L'histoire semble bien partie, et les différentes histoires qui gravitent autour : le vaudou des Haïtiens, la corruption, la violence, les arrangements entre policiers et politiques pour le bénéfice de tous corsent l'enquête et densifient le roman. Mais le problème principal est que tout cela est noyé dans un flot de détails inutiles, dans une logorrhée fatigante et dans moult digressions certes intéressantes mais longues et répétitives... Presque 600 pages dans la version brochée qui aurait pu maigrir quasiment de moitié sans que cela ne nuise ni à l'histoire ni à l'enquête ni aux personnages. Ni même aux apports extérieurs tels la pratique vaudoue, le changement au début des années 80, période à laquelle se déroule le roman, de la ville de Miami, le cynique constat des accointances entre politiques, voyous et policiers, la prostitution et le trafic de drogue qui explosent... Au contraire iceux auraient pu donner du fond, un contexte fort et une puissance au roman de Nick Stone.

Hélas, l'impression de me noyer, de ne pas avancer, tout cela me décourage malgré toute mon envie de renouer avec Max Mingus -mais je n'ai pas dit mon dernier mot, j'ai le troisième de la trilogie.